Un ami, quand vous avez besoin de lui il vient, il est là. Quand vous le sollicitez il ne vous répond pas : « ça tombe mal, j’ai plein de choses à faire, c’est bientôt les vacances, j’aurai plus de temps… ».
Un ami c’est une personne qui sait vous dire : « ta braguette est ouverte », voire « je pense que tu déconnes », au risque de perdre votre amitié. Il tient plus à vous qu’à votre amitié. Son amitié est inconditionnelle, elle ne dépend pas de votre comportement. Même si un jour vous vous êtes mal conduit envers lui, vous restez son ami. Et même si la vie vous a éloignés, votre ami sera là si un jour vous avez besoin de lui. La distance et le temps ne comptent pas. Vous êtes toujours présent dans un coin de sa tête et de son cœur.
Avant de dire à une personne qu’elle est votre amie, je vous suggère de vérifier que vous êtes en mesure de tenir ces engagements. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez lui dire « je t’aime ».
De mon point de vue l’amitié est minérale : c’est solide et stable. L’amour est liquide : ça va et vient.
L’amour peut être un lac, une rivière, une mer, un océan. Il peut vous submerger, vous réchauffer, vous emporter, vous faire flotter, couler. L’amour est parfois fluctuant. Il « fluctuât » et peut même « mergitur » comme on dit à Paris.
Donc, si vous dites à une personne que vous l’aimez, il est important qu’elle sache que cet état est généralement peu permanent et sujet à des changements qui peuvent être rapides et spectaculaires. Contrairement à l’amitié, il me paraît bon de l’apprécier, de l’entretenir et il est parfois prudent de ne pas compter sur sa permanence.
Si vous souhaitez cultiver l’amour, je vous suggère de commencer par développer, par consolider l’amour de vous-même, vaste programme.
Une situation : par exemple, vous êtes seul sur une île déserte. Vous êtes présent à cette situation.
Une sensation : elle est physique, elle vous touche par l’intermédiaire de vos sens : Le fait d’être dans cette situation vous conduit à vivre des sensations : donc vous sentez.
Vous êtes en contact avec la situation par vos cinq sens : vous voyez la mer, la plage, vous entendez le bruit des vagues, vous sentez l’odeur de la forêt derrière vous, le vent sur votre peau…
Une émotion : elle active l’émotionnel : une sensation peut provoquer en vous une émotion : donc vous ressentez : vous pouvez ressentir l’une des quatre émotions fondamentales : la peur, la joie, la colère, la tristesse. Ce sont des émotions brutes, elles sont purement physiologiques sans participation de votre cortex cérébral.
Un sentiment : il met en jeu le mental : votre cerveau combine la sensation et l’émotion ressentie par votre organisme puis « mouline », vous éprouvez : votre cerveau peut utiliser votre mémoire, vos facultés d’analyse et de réflexion. Il peut y avoir irruption de vos normes et valeurs, de votre vision de votre rôle, de la valeur que vous vous accordez…
Donc, vous êtes présent à une situation, vous sentez une sensation, vous ressentez une émotion et vous éprouvez un sentiment. En fonction du contexte, une même situation qui entraîne de mêmes sensations physiques peut générer des émotions et des sentiments différents.
Revenons à notre exemple : vous êtes seul, sur une île déserte. Vous pouvez éprouver :
De la joie :« ouf, enfin seul ! Je fais ce que je veux, quand je veux ! »,
De la peur :« s’il m’arrive quelque chose, il n’y a personne pour m’aider ! »,
Prenons un autre exemple pour mieux comprendre cette différence : aux Jeux Olympiques :
La joie émotion : lorsque l’athlète passe la ligne d’arrivée en tête : il a gagné la course. Il ressent une motion instantanée, brute de joie.
La joie sentiment : il est sur le podium, le drapeau de son pays monte au mât, son hymne national retentit : Il se remémore les bons moments et les galères pour parvenir jusqu’à la victoire, il pense à sa famille, à son entraîneur, à ses collègues, il est impatient de les retrouver…
Son cortex cérébral s’est activé. Il est donc passé de la joie émotion à la joie sentiment.
Comment rater à coup sûr l’élaboration d’une charte du manager
La pandémie en cours a profondément affecté le fonctionnement de nombreuses organisations et mis le personnel sous tension, notamment les cadres. Pour les aider un nombre croissant d’entreprises et de collectivités ont initié une démarche visant à créer une charte du manager . L’objectif est de donner à ces derniers un guide de bon fonctionnement et des repères clairs.
Voici à l’attention des Directions Générales quelques suggestions pour rater cette démarche :
Élaborer une charte est un moyen d’atteindre un objectif, par exemple : consolider la coopération entre tous les acteurs intervenant dans l’organisation afin d’optimiser le service rendu. Contentez-vous de présenter la mise en place de la charte comme un objectif en soi. Cela sera perçu comme la quête du Graal : tous nos problèmes seront résolus grâce à elle.
N’adaptez pas la charte aux particularités de l’organisation, à ses points forts et à ses points à améliorer. Abstenez-vous d’un diagnostic préalable qui serait une perte de temps. Droit au but ! Telle doit être votre devise.
Ces injonctions venant de la Direction Générales, elles vont mettre une pression salutaire sur le personnel, notamment sur les cadres. Il y aura les bons et les mauvais.
De plus chaque collaborateur va apporter sa contribution à cette pression : chacun pourra facilement évaluer la capacité de son chef à respecter chaque point de la charte. Un exemple : imaginons qu’un élément de la charte concerne l’idée d’associer ses collaborateurs à l’organisation du service. Ne vous préoccupez pas de savoir si les cadres savent précisément comment organiser cette concertation, s’ils connaissent les deux règles à respecter pour obtenir les résultats escomptés. Contentez-vous de vérifier qu’ils en ont l’intention.
C’est à chacun de faire au mieux. Comptez sur la bonne volonté de vos collaborateurs. Envisager qu’ils puissent avoir besoin d’accompagnements sur le comment faire pourrait être perçu comme un manque de confiance en eux. Après tout, ce sont des pros !
N’hésitez pas à vouloir améliorer simultanément tous les points méritant de l’être. Dans un premier temps, cibler uniquement deux à trois axes de progrès serait à l’évidence un manque d’ambition. Une charte en 12 points c’est bien, en 24 points c’est encore mieux ! Ne vous préoccupez pas de savoir si ces objectifs sont réalistes.
À cœur vaillant rien d’impossible !
En complément de la recommandation précédente exigez une élaboration et une mise en œuvre rapides de la charte. Imprimer un tempo élevé stimule les équipes et favorise l’implication.
Ne perdez pas de temps à associer les cadres et les agents à l’élaboration de la charte. C’est l’affaire de la Direction Générale. Elle peut éventuellement associer la Direction des Ressources Humaines et un consultant spécialisé en la matière qui pourront faire des suggestions pour enrichir la réflexion.
Cela permet au membres du personnel de ne pas se sentir concernés par la démarche. Ils peuvent donc considérer qu’ils ne sont pas tenus de s’y impliquer, d’apporter leur contribution, que seuls les cadres doivent faire le travail d’optimisation. C’est également une façon de valoriser les cadres intermédiaires en pointant l’importance de leur rôle dans le bon fonctionnement de l’organisation.
Concernant la Direction Générale, son rôle est d’élaborer la charte, de superviser sa mise en œuvre. Elle n’a pas vocation à l’appliquer ni nécessite de s’y conformer. Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes !
C’est l’histoire bien connue du gamin qui se promène dans la campagne. Il voit un groupe d’hommes en train de s’affairer avec des pelles et des pioches. Il s’approche et leur demande :
— Vous faites quoi ?
L’un d’entre eux lui répond :
— On creuse un trou.
Un peu plus loin il rencontre un autre groupe d’ouvriers qui semblent faire de même. Il leur demande :
— Vous aussi vous faites un trou ?
— Non, nous construisons une cathédrale.
Les premiers collaborent, du latin labor, travailler. Les seconds coopèrent, du latin opus, une œuvre.
Donc, dans la démarche de coopérer il y a l’idée de réaliser une œuvre ensemble.
Cela n’a pas échappé aux patrons modernes et aux spécialistes de la motivation du personnel.
Une conséquence : les dirigeants de certaines organisations se croient parfois obligés d’embarquer leurs collaborateurs dans des projets plus ou moins pharaoniques qui peuvent s’apparenter à la construction d’une cathédrale.
Pour leur être utile, voici ma modeste contribution à leur grande œuvre :
Les fondations ne sont pas visibles. Elle ne participe donc pas à la renommée de l’édifice et à celle de ses bâtisseurs.
Il semble de l’avis de certains experts que Gustave Eiffel ait quelque peu péché par excès de prudence : les fouilles de sa tour ont représenté 30 973 m³, la maçonnerie 12 493 m³ dont 1 000 tonnes de ciment et 210 tonnes de chaux. Était-ce réellement indispensable ?
De la même façon, certains consultants considèrent que, comme un bâtiment, une équipe a ses propres fondation. Elles sont notamment constituées d’une définition claire et cohérente des missions de chacun, de sa zone d’autonomie, des modalités concrètes de supervision et d’échange d’informations. Ces consultants soutiennent que la priorité est de consolider ces fondations avant d’envisager tout développement. Cela dénote un manque de hauteur de vue et d’une propension à rester au niveau d’une approche mécanique, au demeurant intéressante, mais qui manque singulièrement de souffle et d’ambition.
Comme chacun le sait, l’argent est le nerf de la guerre. Il est bien connu que l’ambition d’un projet se mesure à l’aune de son coût.
Ne vous laissez pas abuser par quelques contre-exemples comme ces entreprises qui ont bénéficié de budgets colossaux et qui, à la surprise générale, n’ont pas obtenu les résultats escomptés. Un budget important assure la notoriété du projet et marque les esprits.
Ce sont les sachants. Ils sont donc les mieux placés pour trouver LA solution, celle qui est à l’évidence la plus pertinente. Ne leur faites pas perdre leur temps en leur demandant de vous expliquer les raisons de leur choix. De toute façon, vous ne comprendrez que 10 % de ce qu’ils vont vous dire.
Souvenez-vous que l’on reconnaît le niveau d’expertise de son interlocuteur à l’incapacité que l’on a à comprendre ce qu’il explique.
Méfiez-vous des langages simples et logiques. C’est très souvent le signe d’un manque de hauteur de vue et d’expertise.
Ne pas comprendre doit vous rassurer.
Dans les relations avec un expert, le maître mot doit toujours être confiance.
L’expert décide, vous réglez les factures. Lui demander comment il compte faire serait un manque évident de considération pour son expertise et pour sa longue expérience. Un expert digne de ce nom ne doit pas accepter que son commanditaire lui demande de rendre compte de son travail et de celui de son équipe sous prétexte qu’il doit lui-même rendre des comptes à ses clients ou à ses administrés.
Ne vérifiez pas les compétences réelles des experts autoproclamés. Vérifier simplement leur détermination à faire avancer les choses, le reste suivra. Si cette forte détermination les conduits parfois à des comportements égocentriques, à avoir du mal à écouter, à envisager d’autres options que leur solution, à prendre en compte les contingences bassement matérielles c’est une preuve supplémentaire de leur engagement.
Quand il s’agit d’accomplir un geste architectural remarquable, est-il réellement opportun de prendre en considération comment le bâtiment sera chauffé, comment il sera entretenu, quel est l’avis des futurs utilisateurs ? L’on ne va tout de même pas consulter la terre entière pour choisir les bancs du square ou la configuration de la future salle polyvalente !
Souvenez-vous que la foi soulève les montagnes. N’hésitez pas à formuler des objectifs ambitieux. Je vous suggère de suivre les recommandations que j’ai formulées dans mon article précédent « Élus, managers, le syndrome du monarque ou comment être sûr que la belle histoire finisse mal ».
J’accompagne régulièrement des personnes à sortir de ce piège et des organisations à prévenir et à gérer les dégâts.
Un constat : un burn out n’est pas une marque de faiblesse mais la conséquence de forces mal gérées.
Je constate que tous les individus ne sont pas également sujets à ce type d’affection : les plus forts sont les plus fragiles.
Si vous disposez d’un cerveau puissant, épaulé par une solide mémoire, d’une énergie vitale forte, d’une grande conscience professionnelle, de la détermination à réussir les missions qui vous sont confiées, vous disposez de tous les ingrédients pour tomber dans le panneau et pour vous offrir un joli burn out. Vos qualités ne sont des atouts que si vous savez les gérer. S’est la différence entre conduire et piloter : les approximations que tolère un véhicule de tourisme sont dangereuses, voire mortelles au volant d’une voiture de course.
Les instances supérieures vous ont confié une grosse cylindrée, à vous d’apprendre à l’utiliser correctement.
Managers, plus vous disposez de collaborateurs puissants, plus ils sont fragiles. Ils seront particulièrement affectés par des incohérences concernant la structure de l’organisation, par exemple si le qui fait quoi ou le qui décide quoi n’est pas clair.
Ils peuvent également être déstabilisés par un mode de management inapproprié, notamment par un grand classique : la délégation prématurée qui fait des ravages dans les organisations.
Parfois les dérapages commencent dès le recrutement. Je vous conseille mon article sur comment rater le recrutement d’un cadre.
Je constate que les jeunes collaborateurs sont souvent plus intéressés par la qualité de leur vie que par « faire carrière ». Cela semble contaminer progressivement leurs ainés.
Leur demande, voire leur exigence première envers leur hiérarchie devient la cohérence et l’équité.
La cohérence fait appel à la logique, l’équité au sentiment de justice. Chaque fois qu’un supérieur hiérarchique a un comportement perçu par un collaborateur comme incohérent ou inéquitable il perd l’essentiel de sa puissance : il perd la considération de son collaborateur. Il ne lui reste que les galons, bof.
La surchauffe qui mène au burn out s’installe souvent lentement, de façon insidieuse, au début toujours pour de bonnes raisons : l’exceptionnel devient occasionnel puis habituel. La température monte tranquillement et vous vous retrouvez cuit sans même vous en rendre compte. Une autre métaphore : les torons du câble qui commande le manche de votre coucou claquent les uns après les autres, discrètement, tranquillement. Puis, sur une manœuvre apparemment anodine le dernier toron lâche brutalement, vous partez en vrille et à la surprise générale, la vôtre en premier, vous vous crashez.
Les survivants ont toujours la même réaction : la stupeur de la puissance du choc, la surprise que cela ait pu leur arriver, se croyant à l’abris de ce genre de « faiblesse » et un sentiment diffus que leur esprit et leur corps les avaient prévenus. D’où l’importance de s’écouter, ce qui n’est pas toujours ce qui nous a été inculqué.
Vous en avez besoin pour faire un diagnostic lucide et précis de la situation, de ses causes et de ses conséquences. Il s’agit d’abord de sortir du flou, de la confusion qui mènent au doute, à la perte de confiance et au découragement. Puis l’idée est de construire une démarche technique cohérente et structurée pour vous protéger de fonctionnements internes toxiques et pour adopter progressivement des comportements sains et pertinents.
La démarche est plus efficace lorsque cette dernière s’implique. Il s’agit de l’accompagner à optimiser son fonctionnement afin d’apporter sa contribution à l’amélioration de la coopération avec son collaborateur, ce qui profite à tous.
L’étape suivante consiste à travailler ensemble avec le collaborateur et son supérieur hiérarchique pour les accompagner à développer et à fixer ensemble de bonnes pratiques de coopération au quotidien.
C’est comme pour le Tango : il est important que chacun perfectionne sa technique, il est également utile qu’ils travaillent ensemble la fluidité et l’harmonie.
J’ai vu des personnes et des équipes victimes « d’accidents de coopération » avec des collaborateurs sévèrement affectés, qui ont su transformer une sortie de route en opportunité pour consolider leur fonctionnement individuel et collectif et qui sont sortis grandis de cette épreuve.
Deux dernières suggestions : ne confondez pas l’important et l’essentiel et prenez le plus grand soin de vous, car, comme le disait l’autre « vous le valez bien ».