Quelques suggestions pour être à peu près sûr de se rater et de prendre l’édifice sur la tête

C’est l’histoire bien connue du gamin qui se promène dans la campagne. Il voit un groupe d’hommes en train de s’affairer avec des pelles et des pioches. Il s’approche et leur demande :

— Vous faites quoi ?

L’un d’entre eux lui répond :

— On creuse un trou.

Un peu plus loin il rencontre un autre groupe d’ouvriers qui semblent faire de même. Il leur demande :

— Vous aussi vous faites un trou ?

— Non, nous construisons une cathédrale.

Les premiers collaborent, du latin labor, travailler. Les seconds coopèrent, du latin opus, une œuvre.

Donc, dans la démarche de coopérer il y a l’idée de réaliser une œuvre ensemble.

Cela n’a pas échappé aux patrons modernes et aux spécialistes de la motivation du personnel.

Une conséquence : les dirigeants de certaines organisations se croient parfois obligés d’embarquer leurs collaborateurs dans des projets plus ou moins pharaoniques qui peuvent s’apparenter à la construction d’une cathédrale.

Pour leur être utile, voici ma modeste contribution à leur grande œuvre :

Les fondations ne sont pas visibles. Elle ne participe donc pas à la renommée de l’édifice et à celle de ses bâtisseurs.

Il semble de l’avis de certains experts que Gustave Eiffel ait quelque peu péché par excès de prudence : les fouilles de sa tour ont représenté 30 973 m³, la maçonnerie 12 493 m³ dont 1 000 tonnes de ciment et 210 tonnes de chaux. Était-ce réellement indispensable ?

De la même façon, certains consultants considèrent que, comme un bâtiment, une équipe a ses propres fondation. Elles sont notamment constituées d’une définition claire et cohérente des missions de chacun, de sa zone d’autonomie, des modalités concrètes de supervision et d’échange d’informations. Ces consultants soutiennent que la priorité est de consolider ces fondations avant d’envisager tout développement. Cela dénote un manque de hauteur de vue et d’une propension à rester au niveau d’une approche mécanique, au demeurant intéressante, mais qui manque singulièrement de souffle et d’ambition.

Comme chacun le sait, l’argent est le nerf de la guerre. Il est bien connu que l’ambition d’un projet se mesure à l’aune de son coût.

Ne vous laissez pas abuser par quelques contre-exemples comme ces entreprises qui ont bénéficié de budgets colossaux et qui, à la surprise générale, n’ont pas obtenu les résultats escomptés. Un budget important assure la notoriété du projet et marque les esprits.

Ce sont les sachants. Ils sont donc les mieux placés pour trouver LA solution, celle qui est à l’évidence la plus pertinente. Ne leur faites pas perdre leur temps en leur demandant de vous expliquer les raisons de leur choix. De toute façon, vous ne comprendrez que 10 % de ce qu’ils vont vous dire.

Souvenez-vous que l’on reconnaît le niveau d’expertise de son interlocuteur à l’incapacité que l’on a à comprendre ce qu’il explique.

Méfiez-vous des langages simples et logiques. C’est très souvent le signe d’un manque de hauteur de vue et d’expertise.

Ne pas comprendre doit vous rassurer.

Dans les relations avec un expert, le maître mot doit toujours être confiance.

L’expert décide, vous réglez les factures. Lui demander comment il compte faire serait un manque évident de considération pour son expertise et pour sa longue expérience. Un expert digne de ce nom ne doit pas accepter que son commanditaire lui demande de rendre compte de son travail et de celui de son équipe sous prétexte qu’il doit lui-même rendre des comptes à ses clients ou à ses administrés.

Ne vérifiez pas les compétences réelles des experts autoproclamés. Vérifier simplement leur détermination à faire avancer les choses, le reste suivra. Si cette forte détermination les conduits parfois à des comportements égocentriques, à avoir du mal à écouter, à envisager d’autres options que leur solution, à prendre en compte les contingences bassement matérielles c’est une preuve supplémentaire de leur engagement.

Quand il s’agit d’accomplir un geste architectural remarquable, est-il réellement opportun de prendre en considération comment le bâtiment sera chauffé, comment il sera entretenu, quel est l’avis des futurs utilisateurs ? L’on ne va tout de même pas consulter la terre entière pour choisir les bancs du square ou la configuration de la future salle polyvalente !

Souvenez-vous que la foi soulève les montagnes. N’hésitez pas à formuler des objectifs ambitieux. Je vous suggère de suivre les recommandations que j’ai formulées dans mon article précédent « Élus, managers, le syndrome du monarque ou comment être sûr que la belle histoire finisse mal ».

Vous le trouverez ici

Si vous suivez mes conseils, je vous garantis que les résultats seront spectaculaires : vous serez à peu près sûr de prendre l’édifice sur la tête.

À vous de jouer !