Élus, managers, le syndrome du monarque

Ou comment être sûr que la belle histoire finisse mal

Vous venez d’être nommé ou vous avez été élu à la tête d’une organisation importante. C’est pour vous un accomplissement. Vous le devez à une intelligence vive, épaulée par une solide mémoire, à une énergie vitale forte, à une santé solide, à une importante force de travail et à une grande détermination. De plus, vous vous sentez investi dans votre mission. Pour vous, SERVIR s’écrit en lettres capitales.

Voici quelques suggestions à suivre si vous voulez un jour regretter ce que vous vivez aujourd’hui comme une belle opportunité. Elles sont organisées chronologiquement en 4 étapes.

Suggestion 1 : considérez les particularités de votre profil décrites ci-dessus comme des qualités. Cela vous amènera à ne pas vous rendre compte qu’il s’agit en fait de caractéristiques. Elles ne vous sont favorables que si vous savez correctement les gérer. Si ce n’est pas le cas, elles vous seront préjudiciables. Si, un jour, vous avez des ennuis et que vous voulez en connaître l’origine, chercher du côté de vos forces.Ceci est vrai pour les individus et également pour les organisations.

Suggestion 2 : assumez votre détermination. Elle va vous conduire à fixer des objectifs ambitieux pour vous-même et pour l’organisation.Ne laissez pas des considérations de prétendu réalisme entamer cette détermination. N’oubliez pas que quand on veut, on peut.

Suggestion 3 : revendiquez votre détermination. Présentez vos objectifs à vos collaborateurs. S’ils les trouvent particulièrement ambitieux vous devez leur indiquer qu’ils sont à la hauteur de la considération que vous avez pour eux. Rappelez à chacun que quand on veut, on peut.

Prenez soin d’enregistrer comment chacun de vos collaborateurs réagit à votre message, cela vous sera utile pour la suite.

Il est probable que certains objectifs que vous avez assignés ne soient pas atteints ou qu’ils le soient partiellement, par exemple avec retard par rapport au délai que vous avez fixé.

Suggestion 4 : dans ce cas n’ajustez surtout pas les objectifs. Maintenez le cap et rappeler à chacun que c’est dans la difficulté que l’on montre ses capacités. Ce qui vous est présenté à nouveau par certains collaborateurs comme du réalisme pourrait être perçu comme un manque de détermination, voire de la faiblesse.

Suggestion 5 : ne cachez pas votre impatience, montrez-la. Elle agira comme un aiguillon pour stimuler les troupes. Examiner à nouveau attentivement comment chacun réagit à la pression. Cela vous sera utile pour l’étape suivante.

Il est probable qu’à nouveau certains objectifs ne soient pas atteints. Jusque-là vous étiez dans le verbe faire. Vous avez demandé à vos collaborateurs de rechercher d’autres options, d’autres façons de faire pour atteindre les résultats escomptés.

Il faut vous rendre à l’évidence : l’impatience que vous avez exprimée n’a pas suffi à sortir certains collaborateurs de leur comportement médiocre. Il n’est plus temps de chercher des solutions. Il faut maintenant de changer de dimension.

Suggestion 6 : passez du verbe faire au verbe être. Pour chaque situation où l’objectif n’a pas été atteint, cherchez quel est le collaborateur qui n’a pas été à la hauteur. Il s’agit d’identifier le maillon faible. Vous le trouverez probablement parmi vos collaborateurs qui ont été les moins enthousiastes lorsque vous leur avez présenté vos objectifs pour l’organisation. Lorsque vous avez repéré la personne concernée, votre devoir est de la mépriser. Il n’y a aucune notion affective ni morale dans ce terme. Il est pris au sens littéral : il s’agit de Mé Prendre. Mé étant privatif, cela vous conduit à ne plus prendre la personne dans votre équipe. Vous allez donc vous en séparer.

Suggestion 7 : agissez vite et bien. Il vous appartient d’agir vite pour éviter que la pomme pourrie puisse contaminer le panier. Il est préférable de faire les choses proprement : on ne tire pas sur une ambulance, ce n’est pas de sa faute s’il n’est pas à la hauteur. Il s’agit également de limiter les risques de retour de mépris.Imaginez qu’un jour, par un malheureux concours de circonstances, les positions soient inversées et que ce collaborateur soit en mesure de vous Mé Prendre. Il le fera d’autant plus élégamment et avec considération pour vous que vous en avez eu à son égard. Il n’y a pas d’utilité à flinguer lorsque l’on n’y a pas d’intérêt.

Suggestion 8 : informez sans expliquer. Vous devrez informer vos collaborateurs. Ne vous croyez pas obligé d’expliquer les raisons de votre décision, un chef n’a pas à se justifier. Faites simplement courir le bruit que son départ est lié à son manque de résultats. Cela déclenchera une peur salutaire chez les collaborateurs restants. Elle sera amplifiée par l’effet de surprise liée à la soudaineté de la décision. Chacun saura également ce qu’il risque à ne pas vous satisfaire, voire à vous déplaire.

Certaines mauvaises langues, quelques consultants trop imbibés de concept de considération et de respect d’un autre âge pourrait vous mettre en garde contre une 4e étape. Je vous la livre ici pour que vous puissiez en rejeter l’apparente logique.

Ces bonnes âmes vous expliqueront que l’objectif premier de vos collaborateurs étant de vous plaire et non de faire au mieux leur travail pour le bien de l’organisation, certains vont adopter un comportement de courtisan comme du temps de Louis XIV. Vous serez ainsi progressivement coupé de la réalité. Vous développerez également une propension à vous croire infaillible puisque tous vos faits et gestes seront encensés par les flatteurs qui vous entourent. Vous ne trouverez donc plus d’intérêt à écouter les autres. Votre « cour » ainsi constituée bruissera de rumeurs, vivra de clans qui se détestent, de luttes de pouvoir et d’influence et de complots contre vous.

Il vous faudra créer votre propre police secrète pour surveiller tout ce petit monde. Vous n’aurez que des alliés de circonstances dont vous devrez vous méfier encore plus que de vos adversaires.

Vous serez en permanence à la merci soit d’une révolution de palais où vous serez renversé par des forces internes, soit d’une destitution due à l’intervention de forces extérieures.

Une consolation : il y a maintenant peu de probabilités pour que vous finissiez sur la guillotine.